En degrés Celsius ou en Fahrenheit, les températures dignes du désert du Nevada n’ont pas découragé les visiteurs qui ont trouvé, dans la belle palette d’offres proposée par ce salon du livre thématique, matière à alimenter leur réflexion sur l’émigration américaine.
Doris Kasser-Freytag, directrice du CDHF, et son équipe avaient pris soin d’inviter des auteures portant une réflexion sur le thème lancé et entretenant chacune un rapport singulier, intime, aux États-Unis.
« J’ai toujours écrit »
Très sollicitée, la doyenne du salon du livre, Marguerite Gable-Senné, rayonnante nonagénaire, tire une partie de son inspiration de l’histoire de sa grand-mère. Voilà le point de départ de son roman fondé sur des faits réels « Philomène ou l’Arbre de vie », qui raconte comment une jeune femme du Sundgau, née au milieu du XIXe siècle, émigre aux USA pour ne revenir sur les terres alsaciennes que vingt-cinq ans plus tard. La Guebwilleroise, tour à tour radieuse et profonde, avoue avoir toujours écrit, ce que confirme du reste sa riche bibliographie qui invite également à parcourir l’Irlande, Murbach ou encore Madagascar.
Installée juste à côté d’Élisabeth Jaeger-Wolff, auteure de « Terre d’Alsace, Rêve d’Amérique » et de « Étrangers et Voyageurs », l’ethnologue colmarienne Janine Erny agitait son éventail aux couleurs de ces « States » qu’elle connaît si bien : pour sa thèse de doctorat, devenue son ouvrage «… et parmi les pionniers du Far West, il y avait des Alsaciens », elle a rencontré et interviewé de nombreux descendants d’Alsaciens à Castroville.
« Ìch hàn dr’s g’sait g’hà, hàn i net ? »
L’un des aspects ne manquant pas
d’humour de son travail concerne le destin du dialecte
alsacien dans cette ville du Texas. « On parle de code
switching », explique savamment Janine Erny, « une
adaptation de mots anglais dans le vocabulaire alsacien ».
Ainsi, il est possible, à Castroville, de garer son « truck
» ou son « Kàrra » (voiture), mais attention à ne pas être
trop « ufg’mìxt » (mixed-up, déboussolé), sinon vous irez
tout droit dans le « Schwìmmloch » (swimming pool, piscine)
ou foncerez dans le « Fiirplàtz » (fire place, le foyer de
la cheminée) ! « Je te l’avais dit, ne l’avais-je pas ? »
Passionnée par ses rencontres avec ces Américains parlant
toujours la langue de leurs ancêtres haut-rhinois, Janine
Erny prévient cependant que la perte d’intérêt est largement
amorcée parmi les jeunes, redoutant une dilution de la
culture alsacienne d’autant plus forte qu’en peu de temps la
population est passée à environ 60 % d’hispanophones. Qu’on
le croie ou non, à Castroville aussi, on les appelle les «
Harg’loffani » (ceux qui sont venus d’ailleurs) !
Parmi les autres invités de Doris Kasser-Freytag, que le
président du CDHF Daniel Weber n’a pas manqué de venir
saluer, se trouvaient des bouquinistes de la région, Évelyne
Pépitone et Nicole Varin-Pichon, spécialistes de
l’enluminure, Chantal Geyer, qui dessine des arbres
généalogiques, ainsi que les représentants d’associations
assurant un trait d’union entre les USA et l’Alsace :
Christian Werthe, président de l’association de jumelage
Oberentzen-Niederentzen-D’Hanis partageait un stand avec ses
amis de « Alsace Medina County Texas » dont les chevilles
ouvrières Claude Weinzæpflen, Estelle Schmitt et
Marie-Jeanne Finger ne manquaient pas à l’appel. Leur
président, Michel Habig, vice-président du Conseil général
et maire d’Ensisheim, a lui aussi fait au salon l’honneur
d’une visite très appréciée.
L’équipe des bénévoles de
l’association des Amis du CDHF a accueilli tout au long de
la journée les visiteurs à sa buvette où s’arrachaient
boissons fraîches et pâtisseries maison, et bien sûr à son
stand de publications généalogiques. Tout le monde se dit
d’ores et déjà prêt pour la prochaine édition de ce salon à
Guebwiller. Peut-être dans une salle climatisée ?
Textes Denis Dubich
Journal L’ALSACE le
14/07/2010 à 08h06